Chroniques

Un monde sans chiffres ?

La chronique d'Eric Bocquet - Vendredi 6 mars 2020

Il m’arrive parfois d’imaginer un monde sans chiffres, un univers où il n’y aurait que des mots pour nous exprimer. J’ai l’impression que c’est infaisable. Certains commentateurs vont jusqu’à parler d’une « dictature des chiffres », les mots sont forts pour le coup mais sont-ils plus forts que les chiffres ?

Lorsque la radio s’allume au réveil le matin, vous jetez un coup d’œil au cadran, 5h40, 6h15, allez, encore 5 minutes, mais là il faut y aller, je prends le TGV à 7h12 qui arrive à 8h20 à Paris Nord vu que la réunion de la commission des finances commence à 9h30 ce mercredi. Et je ne vous dis pas de quoi on parle en commission des finances, surtout quand on auditionne le 1er Président de la Cour des Comptes !

Salle de bains, on écoute les infos de la matinale, là encore des chiffres, nombre de manifestants, taux de croissance, nombre de demandeurs d’emploi, et puis, en fin de journal, les températures annoncées pour la journée.

Au volant de la voiture il vous faut surveiller (ou réguler) votre vitesse car, sur ce tronçon c’est 70 km/h, plus loin on repasse à 90. Certains salariés sont, quant à eux, soumis à une obligation de résultats, de plus en plus d’ailleurs. Dans la police on évoque parfois la politique du chiffre.

Il y a même de grandes compagnies internationales qui se nourrissent et ne vivent que de données chiffrées, les grands groupes du numérique. Quand on est branché on veut vivre dans un monde 2.0 (lire deux point zéro).

Certes, souvent dans les débats politiques, les hérauts de la réduction de la dépense publique, technocrates émérites nous rétorquent « mais c’est la vérité des chiffres… les chiffres sont là, implacables. » Prosternez-vous, ignorants, idéologues que vous êtes, utopistes de l’ancien monde.

Comme c’est curieux parce que parfois, pour faire en sorte qu’un message soit incompréhensible on en sort une version chiffrée, au sens cryptée.

Alors oui, les chiffres sont nécessaires, comme outils, ils sont même incontournables, mais au fond, avec un peu d’imagination on peut échapper aux chiffres. En effet, on peut très bien les écrire « en toutes lettres ».

Enfin, il reste toujours la poésie qui permet, elle aussi, souvent, de nous évader. Je pense à cet instant à l’ami Jacques Prévert dans son poème « Page d’écriture » :
« Deux et deux quatre, quatre et quatre font huit, huit et huit font seize mais voilà l’oiseau-lyre ». Et puis, plus loin « huit et huit à leur tour s’en vont, et quatre et quatre et deux et deux à leur tour fichent le camp… et le professeur crie quand vous aurez fini de faire le pitre ! »

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